henri languille - 1903
…A Nibelle (45), on le surnommait « Le Père La Boule ». Auguste Legeais, de son vrai nom, a 79 ans lorsqu’on le retrouve sans vie, le 13 octobre 1903, vers midi. Le malheureux gît à même le sol, dans sa chambre, au milieu d’une mare de sang. Du sang, on en retrouve jusqu’au plafond où les gendarmes constatent la présence d’éclaboussures. Le vieil homme habitait une maison isolée au hameau de La Rochelle. Et personne n’a rien vu, ni entendu.
La veille au soir, au beau milieu d’une tempête, on frappe à la porte du Père La Boule. Il ouvre, sans méfiance. Sur le pas de la porte, se tient un homme d’une quarantaine d’années. Il dit s’appeler Emile Hamet et exercer le métier de bûcheron dans la forêt de Fontainebleau. Il requiert l’hospitalité du vieillard, le temps que la pluie et le vent cessent. [...] Bientôt, Hamet réclame du vin. Legeais s’exécute. Puis il lui demande de l’argent. Mais cette fois, le vieil homme refuse. Alors le visiteur sort une grosse pierre qu’il avait dissimulée sous son veston, se jette sur le septuagénaire et le frappe violemment à la tête. Inanimé, peut-être déjà mort, Auguste Legeais chute lourdement à terre, mais son agresseur s’acharne, s’empare d’une chaise et assène de nouveaux coups. Pour finir, il saisit un greffoir et entaille le crâne de la malheureuse victime en plusieurs endroits, avant de lui enserrer le cou avec un mouchoir. Son meurtre accompli, l’agresseur fouille l’habitation, s’empare de 165 francs, d’une montre en argent, d’une paire de souliers et de quelques victuailles. Lorsqu’il se décide enfin à quitter les lieux, il vient de vider quatre bouteilles de vin. Assez rapidement, les soupçons se portent sur le fameux Emile Hamet, dont la véritable identité est celle d’Henri Languille, âgé de 41 ans et nanti d’un passé judiciaire éloquent. L’homme, qui a déjà été condamné, par le passé, à une dizaine de reprises pour coups et blessures, vols et escroqueries, trimballe la sinistre réputation d’ « un malfaiteur redoutable qui terrorise toute la contrée ». Si ce n’est lui… La gendarmerie est convaincue de l’implication d’Henri Languille dans le meurtre du Père La Boule. Encore manque-t-elle d’éléments pour le confondre. Assez étonnamment, c’est Languille lui-même qui va lui apporter, sur un plateau, les éléments qui entraîneront sa perte. Nous sommes le 25 avril 1904 et la cour d’assises du Loiret vient de le condamner pour le vol, à sept années de réclusion et à la relégation. Du fond de sa cellule, Henri Languille écrit plusieurs courriers au procureur de la République de Pithiviers. Dans ces missives, le condamné se flatte de connaître l’assassin d’Auguste Legeais. Il dit consentir à révéler (les circonstances du crime, mais exige, en contrepartie, sinon une grâce, au moins une forte réduction de peine. Et puis, le 1er août, il rédige une nouvelle lettre dans laquelle il livre spontanément le nom de l’assassin de Legeais. Il s’appelle… Languille, Edouard Languille, et n’est autre que son propre frère ! Des investigations sont aussitôt menées, mais la piste s’effondre rapidement. |
[...]
L’intéressé ne se démonte pas pour si peu. Adoptant un système de défense adapté à la situation nouvelle, Henri Languille reconnaît alors avoir été présent sur les lieux du drame. Mais son rôle, prétend-il, s’est limité à faire le guet et à fouiller la victime. Quand à l’assassin, celui qui s’est acharné sur ce pauvre Legeais, c’est tout simplement son autre frère, Narcisse. Languille reconnaît qu’il a calomnié Edouard par vengeance. Il pensait que celui-ci l’avait dénoncé dans l’affaire qui lui a valu sa condamnation à sept années de réclusion. Hélas pour lui, les investigations menées auprès de Narcisse ne mènent à rien. Et le 14 février 1905, Henri Languille finit par avouer qu’il est le seul auteur du crime du Père la Boule. A l’issue de son procès devant les assises, le 18 avril qui suit, l’assassin est condamné à la peine capitale. L’exécution a lieu le 28 juin, à 3h30 du matin, devant le Mont Bel-Air, surnommé « Place de la Guillotine » par la foule. « Une expérience du plus haut intérêt » C’est un homme apparemment décontracté qui monte les marches de l’échafaud tandis que la foule réclame sa mort. Mais le plus extraordinaire reste à venir. Voici comment les journaux de l’époque relatent l’événement : « A cet instant, nous nous précipitons tous vers le seau où la tête vient de choir. Le docteur Beaurieux, médecin-chef de l’hospice d’Orléans, a en effet, obtenu du procureur général l’autorisation de tenter une expérience du plus haut intérêt. Déjà, il a, entre les mains, la tête décapitée. - Languille ! Crie-t-il, Languille ! Nous demeurons stupéfiés. Les paupières viennent de se soulever. Et les deux yeux pleins de vie encore, fixent longuement ceux du Dr Beaurieux, puis les paupières retombent. - Languille ! Crie une deuxième fois le praticien. De nouveau, les paupières se soulèvent et les yeux fixent encore ceux du médecin. Elles se referment et pour la troisième fois, le docteur Beaulieux appelle : - Languille ! Languille ! Mais cette fois les paupières restent closes définitivement. L’expérience a duré trente secondes. Pendant trente secondes la tête décapitée a conservé, manifestement, une vie consciente ». Philippe Renaud « Décapité, Languille ouvrait encore les yeux » (article paru dans « La République du Centre » du Mercredi 27 août 2008) |