vinaigreries
Le vinaigre et Orléans
La fabrication du vinaigre et la ville d'Orléans sont liés historiquement depuis des siècles. Cette relation remonte au Moyen Age où on transformait en vinaigre les vins locaux peu réputés et produits en abondance, ainsi que des vins provenant des régions bordant la vallée de la Loire. Dès lors, Orléans devint spécialiste dans la réalisation de ce précieux liquide : au XVIIIe siècle, on compte entre 200 et 300 vinaigriers dans la ville. Dès le début du XIXe siècle, Orléans est concurrencée par d'autres villes qui désirent profiter de cette source de richesse. Durant la Restauration, la ville traverse une crise économique. Pourtant, la conséquence sur la production du vinaigre se fait moins ressentir, ce qui permet à cette denrée de conserver une place importante. Ainsi, les vinaigreries absorbent les surplus de production vinicoles. |
On constate qu'en 1830, 45 vinaigreries sont installées à Orléans : ce chiffre croit par la suite pour atteindre 75 en 1851. Entre 1870 et 1890, le nombre de vinaigriers se stabilise. Afin d'encadrer la production par un contrôle des ingrédients utilisés, les commerces de vin et de vinaigre sont séparés : les véritables fabricants de vinaigres sont au nombre de 17 en 1913, contre 82 en 1872. C'est dans ce paysage que certaines grandes maison vont considérablement se développer. C’est le cas de Dessaux Fils, fondée en 1789, qui agrandit son espace de travail par l'achat de parcelles jusqu'à former un véritable quartier en plein cœur d'Orléans. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le vinaigre reste l'industrie la plus réputée de la ville, notamment au niveau national : elle fabrique le tiers de la production française ! En effet, la mécanisation du matériel et la présence de main d'œuvre qualifiée permet un accroissement de la production fin XIXe siècle et dans la première moitié du XXe.
La maison Dessaux Fils, par exemple, exportait 3436 hectolitres de vinaigres de 1865 à 1871. L'accroissement constant permet d'expédier 11 807 hL en 1899. Durant le XXe siècle, sa production de vinaigre de vin ou d'alcool ne cesse de s'accroître en diversifiant ses produits (moutarde, etc.), jusqu'à compter vingt centres en France ou en Afrique. L'entreprise est finalement racheté par Amora en 1965, et l'usine d'Orléans ferme en 1983. L'industrie du vinaigre participe également aux progrès de la science avec les recherches de Louis Pasteur : c'est en effet dans les vinaigreries d’Orléans que le célèbre scientifique commence à élaborer sa doctrine microbienne. Il tint d'ailleurs une fameuse conférence sur la fermentation acétique à l’Institut le 11 novembre 1867. |
Située à la croisée d’axes terrestres et fluviaux favorisant le commerce et le transport des marchandises, dotée d’une abondante batellerie, la ville d’Orléans connaît à partir du XIe siècle un enrichissement sans précédent, favorisé par le commerce du vin. Dans la région, la naissance de la viticulture remonte à la création de l’abbaye de Saint-Mesmin, sur un domaine donné par Clovis vers 510, et qui est réputée dès le VIIe siècle pour produire un vin abondant et excellent. Au tournant de l’an mille, le vin d’Orléans gagne en renommée. La réussite du vignoble, implanté sur des terres ventées et peu favorables, est due aux cépages qui y sont acclimatés : entre autres un pinot noir, l’« auvernat », probablement importé de Limagne, autour de la vallée de l’Allier.
Aux XIe et XIIe siècles, les grands seigneurs et les évêques poursuivent le travail de mise en culture et de valorisation de la vigne, source d’un bon rapport financier. Les bourgeois de la ville leur emboîtent le pas. Ils réclament l’affranchissement des servitudes féodales et exigent notamment que les portes de la ville restent ouvertes pendant les vendanges : ainsi le pouvoir royal ne peut contrôler les quantités récoltées dans le but de leur appliquer une taxe. Les notables locaux établissent leur contrôle de la qualité des crus en créant une police des vignes, et prélèvent des droits sur la vente de tous les vins transitant par la ville. Du XIIe au XVe siècle, la réputation du vin s’étend et le territoire viticole gagne en surface : de Châteauneuf-sur-Loire à Beaugency, les vignobles s’étendent sur plus de quatorze lieues. On construit pressoirs, cuves, bâtiments vignerons et vaisseaux (autre nom pour désigner le muid ou la pièce de vin)... Désormais, le vin est pressé sur le lieu de récolte et non plus au cœur de la ville. À la fin du Moyen Âge, le vignoble orléanais est comparable, en puissance et en richesse, à celui du Bordelais au milieu du XXe siècle. |