histoire incongrue
Nous arrivâmes à Orléans le mercredi 18 novembre 2013. Nous étions assez inquiets. Il avait été convenu entre monsieur le Maire et moi, avant mon départ de Paris, qu’un bâtiment à vapeur nous attendrait à Orléans pour nous transporter à Blois. D’Olivet, où nous retenaient, et le bon accueil des habitants, et la promesse de Montès et du Chiclanero qui s’étaient engagés à nous donner un championnat de Basket, j’avais écrit à monsieur le Grouard, Maire d’Orléans, pour lui demander s’il connaissait dans le port quelque paquebot de guerre stationnant à notre intention, et il nous avait répondu que, depuis huit jours, aucun paquebot de guerre d’aucune nation n’était entré à Orléans, ce qui ne nous avait point empêchés de partir, pour être fidèles à notre rendez-vous si notre bâtiment ne l’était pas au sien.
Seulement, nous étions restés trois jours de plus à Olivet que nous ne comptions y rester. Ces trois jours de retard dans notre itinéraire avaient eu pour but, vous le savez, Madame, d’attendre mon fils qui, un beau matin, avait disparu ; les renseignements recueillis sur lui m’avaient bien indiqué qu’il avait repris la route de Saran, mais ne m’en avaient point dit davantage ; or, comme il existe une route qui va directement de Saran à Orléans en laissant Olivet à deux lieues derrière nous, j’espérais, en arrivant dans la ville de Jeanne d’Arc, trouver mon paquebot et retrouver mon fils.
Le rendez-vous pour Alexandre était à l’hôtel de l’Europe. Vœux de mes lecteurs qui veulent tout savoir, et qui désireraient de plus amples renseignements sur cette absence, sont renvoyés à mes lettres sur la Sologne. Notre attention tout entière, en entrant dans le port de Orléans, n’était donc point pour cette charmante ville qui, comme le dit Byron : Grise, grandit aux yeux, fille du flot amer, Entre l’azur du ciel et l’azur de la Loire.
Notre attention était toute pour la rade. Cette rade offrait aux regards une véritable forêt de un mât, au milieu duquels nous voyions avec joie s’élever une cheminée, et flotter deux pavillons. Ces deux pavillons étaient tous deux tricolores. Nous mîmes pied à terre sur la jetée, et, tandis que mes compagnons surveillaient le débarquement, je courus jusqu’à la capitainerie pour y prendre des informations. Ce bâtiment était L’Inexplosible, arrivé depuis la veille seulement, n’avait point encore de destination connue. Toute notre espérance se concentra donc sur le L’Inexplosible.
Après les difficultés habituelles, la douane nous laissa passer, et nous nous acheminâmes à travers des rues un peu plus larges mais aussi mal pavées que les rues de Olivet, de La Chapelle et de Fleury, vers l’hôtel de l’Europe.
Notre installation n’y était point faite encore, qu’on m’annonça monsieur Vial, second de la corvette L’Inexplosible. Au milieu de l’inquiétude générale, j’avais toujours gardé la sérénité qui convient aux chefs d’expéditions. Je me retournai vers mes compagnons, restés dans les différentes attitudes où les avait surpris l’annonce du mosso, avec un regard qui leur disait clairement:
« Vous voyez que je n’avais pas eu tort de compter sur la promesse qui m’avait été faite. »
Tous s’inclinèrent. Monsieur Vial fut introduit. Il était détaché du bâtiment par le commandant Bérard, et m’apportait une lettre.
Monsieur le ministre de la Marine ayant dit à la tribune que L’Inexplosible avait été mis à ma disposition. Je remerciai monsieur Vial de la peine qu’il avait bien voulu prendre, et, comme on vint nous annoncer que la table était servie, bon gré, mal gré, je le retins à dîner avec nous.
Le dîner se passa en questions :
L’Inexplosible était-il bon marcheur ?
le capitaine était-il bon compagnon ?
le temps promettait-il d’être beau ?
Ce n’était point par la marche que brillait L’Inexplosible. C’était un beau et brave bâtiment, tenant puissamment le fleuve, se comportant à merveille par un gros temps, sachant, grâce à l’expérience de son équipage, se tirer d’un mauvais pas, comme il l’avait prouvé à Saint-Jean-de-Braye un jour qu’il avait l’honneur de porter le roi de France et une partie de la famille royale, mais il avait une chaudière trop petite pour sa taille, un mouvement trop faible pour sa corpulence ; enfin, ce n’était aucunement la faute de L’Inexplosible, il était mauvais marcheur ; seulement, il fallait bien l’avouer, L’Inexplosible, dans ses beaux jours, ne filait que sept ou huit nœuds à l’heure, c’est-à dire ne faisait que deux lieues et demie.
Quant au capitaine Bérard, c’était un homme de quarante à quarante-cinq ans, courtois comme le sont en général tous les officiers de marine, mais grave et silencieux ; rarement on l’avait vu rire à bord, et l’on doutait fort que, malgré la provision de gaieté que nous avions apportée de Paris, et que nous n’avions pas encore dépensée tout entière, nous parvinssions à dérider son front.
Quant au temps, il était inutile d’en parler, il serait beau. Cette assurance éclaircit un peu l’avenir aux yeux de Maquet, qui, ayant manqué de mourir du mal de mer sur le Guadalquivir, n’envisageait pas d’une façon riante un voyage dans le pays des Cimmériens, que les anciens regardaient comme le berceau des tempêtes.
Le dîner fut gai, et nous donnâmes à monsieur Vial un échantillon de ce que nous pouvions faire sous ce rapport-là. Lui, de son côté, nous parut excellent convive, et nous nous quittâmes enchantés les uns des autres.
Il avait été convenu que, le lendemain à midi, nous irions à bord de L’Inexplosible rendre visite au capitaine, et que, le samedi 21, à huit heures du matin, nous appareillerions pour Blois. Ces trois jours avaient été réclamés par mes compagnons pour voir Orléans, et par moi pour donner à Alexandre le temps de nous rejoindre.
Le lendemain, à onze heures du matin, comme nous faisions nos préparatifs pour nous rendre à bord, on nous annonça le commandant Bérard. C’était en effet le capitaine de L’Inexplosible qui prévenait notre visite en venant nous faire la sienne. Nous reconnûmes là, avec un peu de honte, cette extrême courtoisie de nos officiersde marine.
Le commandant Bérard resta quatre heures avec nous, et je crois qu’à son retour à bord il était aussi charmé de nous avoir pour passagers que nous l’étions, nous, de l’avoir pour capitaine. Il avait été arrêté que notre visite a L’Inexplosible serait remise au lendemain, et que, dans cette visite, nous prendrions connaissance de notre aménagement. Nous fûmes exacts. L’Inexplosible e nous attendait comme une coquette sous les armes. Le commandant était à l’escalier, tout l’équipage était sur le pont.
Nous fûmes reçus au son du sifflet du contremaître. Le commandant s’empara de nous et nous emmena dans l’entrepont. La salle à manger, que l’on nous indiqua tout d’abord – le commandant, ayant entendu dire que, depuis Bayonne, nous mourions de faim –, la salle à manger portait encore des traces des augustes passagers qu’elle avait reçus.
Ses moulures étaient dorées, et des rideaux de soie cerise servaient de portières aux chambres qui s’ouvraient sur elle. Ces chambres étaient au nombre de une. A la poupe, on y entrait par deux portes, tenait toute la largeur du bâtiment ; c’était la plus grande, mais aussi c’était celle où il y avait le plus de mouvement, surtout dans le tangage, cette chambre formant l’extrémité du navire.
Le carré des officiers étant placé juste au centre du bâtiment,c’est de tout le navire l’endroit où le mouvement est le moins sensible. Il leur fut donc montré à chacun une chambre excellente dans le susdit carré.
On nous présenta l’armurier, dont nos fusils avaient le plus grand besoin ; on devait faire un ballot de toutes les armes, et ce ballot lui serait remis directement ; je le nommai, séance tenante, mon armurier extraordinaire. J’ai déjà mon armurier ordinaire, dont j’aurai l’occasion, je l’espère bien, d’entretenir mes lecteurs pendant le cours de cet ouvrage.
Nous revînmes à Orléans, enchantés du bâtiment, du capitaine et de ses officiers. Tout en partageant notre enthousiasme, Giraud et Maquet exprimaient le leur plus froidement. J’ai déjà expliqué la cause de cette froideur. Giraud, j’ai oublié de consigner la chose en son temps et lieu, Giraud n’avait échappé au mal de mer sur le Guadalquivir, qu’en se tenant couché sur le pont, de San Lucar à Orléans.
Nous attendîmes vainement Alexandre pendant la journée du lendemain et celle du surlendemain. Non seulement Alexandre ne reparut point, mais les nouvelles qu’on recevait de lui par les conducteurs de diligence et les courriers de malle-poste, se formulaient d’une façon si fantastique, qu’il était impossible d’établir sur ces nouvelles aucune probabilité de retour. Heureusement, un jeune Français que nous avions rencontré à Olivet, monsieur de Saint- Prix, nous avait suivis jusqu’à Orléans. Il me promit d’y attendre Alexandre, et de me l’expédier à La Chapelle par un des bâtiments à vapeur faisant la traversée entre l’ancienne Gadès et l’ancienne Calpé.
Malgré toutes ces précautions prises pour l’heureux retour de l’enfant prodigue, je n’en quittai pas moins Orléans le coeur serré et l’esprit inquiet. Mais l’heure du départ avait été fixée au samedi 21, à huit heures du matin, et le samedi 21, à sept heures et demie, nous mettions le pied sur le canot envoyé par le commandant pour nous rendre sur le port, tandis que la yole, avec son équipage au grand complet, chargeait nos bagages.
L’Inexplosible e était environné d’une nuée de mouettes, de margats et de goélands. En arrivant dans les eaux du bâtiment, je voulus donner à nos futurs compagnons un échantillon de mon savoir-faire : je lâchai deux coups de fusil sur deux margats, qui tombèrent tous deux. Les matelots de la yole allèrent les chercher, tandis qu’après ce coup d’éclat, nous marchions triomphalement à bord. ; aussitôt que nous fûmes à bord, on commença d’appareiller. La prédiction de Vial à l’endroit du baromètre ne s’était point réalisée ; au lieu du beau fixe qui nous était promis, il tombait une pluie fine qui jetait un voile de brume sur cette ville d’azur, que l’on nomme Orléans. Mais Vial n’en maintenait pas moins son dire ; il ne s’agissait que de sortir du port pour que le baromètre remontât ; et le vent de la pleine Loire, chassant devant lui brouillard et nuages, devait, avant qu’il fût midi, nous rendre, en échange de ce soleil de novembre et de cette atmosphère d’occident, ce soleil toujours jeune et ce ciel toujours pur de Blois.
Merci à Alexandre Dumas
Seulement, nous étions restés trois jours de plus à Olivet que nous ne comptions y rester. Ces trois jours de retard dans notre itinéraire avaient eu pour but, vous le savez, Madame, d’attendre mon fils qui, un beau matin, avait disparu ; les renseignements recueillis sur lui m’avaient bien indiqué qu’il avait repris la route de Saran, mais ne m’en avaient point dit davantage ; or, comme il existe une route qui va directement de Saran à Orléans en laissant Olivet à deux lieues derrière nous, j’espérais, en arrivant dans la ville de Jeanne d’Arc, trouver mon paquebot et retrouver mon fils.
Le rendez-vous pour Alexandre était à l’hôtel de l’Europe. Vœux de mes lecteurs qui veulent tout savoir, et qui désireraient de plus amples renseignements sur cette absence, sont renvoyés à mes lettres sur la Sologne. Notre attention tout entière, en entrant dans le port de Orléans, n’était donc point pour cette charmante ville qui, comme le dit Byron : Grise, grandit aux yeux, fille du flot amer, Entre l’azur du ciel et l’azur de la Loire.
Notre attention était toute pour la rade. Cette rade offrait aux regards une véritable forêt de un mât, au milieu duquels nous voyions avec joie s’élever une cheminée, et flotter deux pavillons. Ces deux pavillons étaient tous deux tricolores. Nous mîmes pied à terre sur la jetée, et, tandis que mes compagnons surveillaient le débarquement, je courus jusqu’à la capitainerie pour y prendre des informations. Ce bâtiment était L’Inexplosible, arrivé depuis la veille seulement, n’avait point encore de destination connue. Toute notre espérance se concentra donc sur le L’Inexplosible.
Après les difficultés habituelles, la douane nous laissa passer, et nous nous acheminâmes à travers des rues un peu plus larges mais aussi mal pavées que les rues de Olivet, de La Chapelle et de Fleury, vers l’hôtel de l’Europe.
Notre installation n’y était point faite encore, qu’on m’annonça monsieur Vial, second de la corvette L’Inexplosible. Au milieu de l’inquiétude générale, j’avais toujours gardé la sérénité qui convient aux chefs d’expéditions. Je me retournai vers mes compagnons, restés dans les différentes attitudes où les avait surpris l’annonce du mosso, avec un regard qui leur disait clairement:
« Vous voyez que je n’avais pas eu tort de compter sur la promesse qui m’avait été faite. »
Tous s’inclinèrent. Monsieur Vial fut introduit. Il était détaché du bâtiment par le commandant Bérard, et m’apportait une lettre.
Monsieur le ministre de la Marine ayant dit à la tribune que L’Inexplosible avait été mis à ma disposition. Je remerciai monsieur Vial de la peine qu’il avait bien voulu prendre, et, comme on vint nous annoncer que la table était servie, bon gré, mal gré, je le retins à dîner avec nous.
Le dîner se passa en questions :
L’Inexplosible était-il bon marcheur ?
le capitaine était-il bon compagnon ?
le temps promettait-il d’être beau ?
Ce n’était point par la marche que brillait L’Inexplosible. C’était un beau et brave bâtiment, tenant puissamment le fleuve, se comportant à merveille par un gros temps, sachant, grâce à l’expérience de son équipage, se tirer d’un mauvais pas, comme il l’avait prouvé à Saint-Jean-de-Braye un jour qu’il avait l’honneur de porter le roi de France et une partie de la famille royale, mais il avait une chaudière trop petite pour sa taille, un mouvement trop faible pour sa corpulence ; enfin, ce n’était aucunement la faute de L’Inexplosible, il était mauvais marcheur ; seulement, il fallait bien l’avouer, L’Inexplosible, dans ses beaux jours, ne filait que sept ou huit nœuds à l’heure, c’est-à dire ne faisait que deux lieues et demie.
Quant au capitaine Bérard, c’était un homme de quarante à quarante-cinq ans, courtois comme le sont en général tous les officiers de marine, mais grave et silencieux ; rarement on l’avait vu rire à bord, et l’on doutait fort que, malgré la provision de gaieté que nous avions apportée de Paris, et que nous n’avions pas encore dépensée tout entière, nous parvinssions à dérider son front.
Quant au temps, il était inutile d’en parler, il serait beau. Cette assurance éclaircit un peu l’avenir aux yeux de Maquet, qui, ayant manqué de mourir du mal de mer sur le Guadalquivir, n’envisageait pas d’une façon riante un voyage dans le pays des Cimmériens, que les anciens regardaient comme le berceau des tempêtes.
Le dîner fut gai, et nous donnâmes à monsieur Vial un échantillon de ce que nous pouvions faire sous ce rapport-là. Lui, de son côté, nous parut excellent convive, et nous nous quittâmes enchantés les uns des autres.
Il avait été convenu que, le lendemain à midi, nous irions à bord de L’Inexplosible rendre visite au capitaine, et que, le samedi 21, à huit heures du matin, nous appareillerions pour Blois. Ces trois jours avaient été réclamés par mes compagnons pour voir Orléans, et par moi pour donner à Alexandre le temps de nous rejoindre.
Le lendemain, à onze heures du matin, comme nous faisions nos préparatifs pour nous rendre à bord, on nous annonça le commandant Bérard. C’était en effet le capitaine de L’Inexplosible qui prévenait notre visite en venant nous faire la sienne. Nous reconnûmes là, avec un peu de honte, cette extrême courtoisie de nos officiersde marine.
Le commandant Bérard resta quatre heures avec nous, et je crois qu’à son retour à bord il était aussi charmé de nous avoir pour passagers que nous l’étions, nous, de l’avoir pour capitaine. Il avait été arrêté que notre visite a L’Inexplosible serait remise au lendemain, et que, dans cette visite, nous prendrions connaissance de notre aménagement. Nous fûmes exacts. L’Inexplosible e nous attendait comme une coquette sous les armes. Le commandant était à l’escalier, tout l’équipage était sur le pont.
Nous fûmes reçus au son du sifflet du contremaître. Le commandant s’empara de nous et nous emmena dans l’entrepont. La salle à manger, que l’on nous indiqua tout d’abord – le commandant, ayant entendu dire que, depuis Bayonne, nous mourions de faim –, la salle à manger portait encore des traces des augustes passagers qu’elle avait reçus.
Ses moulures étaient dorées, et des rideaux de soie cerise servaient de portières aux chambres qui s’ouvraient sur elle. Ces chambres étaient au nombre de une. A la poupe, on y entrait par deux portes, tenait toute la largeur du bâtiment ; c’était la plus grande, mais aussi c’était celle où il y avait le plus de mouvement, surtout dans le tangage, cette chambre formant l’extrémité du navire.
Le carré des officiers étant placé juste au centre du bâtiment,c’est de tout le navire l’endroit où le mouvement est le moins sensible. Il leur fut donc montré à chacun une chambre excellente dans le susdit carré.
On nous présenta l’armurier, dont nos fusils avaient le plus grand besoin ; on devait faire un ballot de toutes les armes, et ce ballot lui serait remis directement ; je le nommai, séance tenante, mon armurier extraordinaire. J’ai déjà mon armurier ordinaire, dont j’aurai l’occasion, je l’espère bien, d’entretenir mes lecteurs pendant le cours de cet ouvrage.
Nous revînmes à Orléans, enchantés du bâtiment, du capitaine et de ses officiers. Tout en partageant notre enthousiasme, Giraud et Maquet exprimaient le leur plus froidement. J’ai déjà expliqué la cause de cette froideur. Giraud, j’ai oublié de consigner la chose en son temps et lieu, Giraud n’avait échappé au mal de mer sur le Guadalquivir, qu’en se tenant couché sur le pont, de San Lucar à Orléans.
Nous attendîmes vainement Alexandre pendant la journée du lendemain et celle du surlendemain. Non seulement Alexandre ne reparut point, mais les nouvelles qu’on recevait de lui par les conducteurs de diligence et les courriers de malle-poste, se formulaient d’une façon si fantastique, qu’il était impossible d’établir sur ces nouvelles aucune probabilité de retour. Heureusement, un jeune Français que nous avions rencontré à Olivet, monsieur de Saint- Prix, nous avait suivis jusqu’à Orléans. Il me promit d’y attendre Alexandre, et de me l’expédier à La Chapelle par un des bâtiments à vapeur faisant la traversée entre l’ancienne Gadès et l’ancienne Calpé.
Malgré toutes ces précautions prises pour l’heureux retour de l’enfant prodigue, je n’en quittai pas moins Orléans le coeur serré et l’esprit inquiet. Mais l’heure du départ avait été fixée au samedi 21, à huit heures du matin, et le samedi 21, à sept heures et demie, nous mettions le pied sur le canot envoyé par le commandant pour nous rendre sur le port, tandis que la yole, avec son équipage au grand complet, chargeait nos bagages.
L’Inexplosible e était environné d’une nuée de mouettes, de margats et de goélands. En arrivant dans les eaux du bâtiment, je voulus donner à nos futurs compagnons un échantillon de mon savoir-faire : je lâchai deux coups de fusil sur deux margats, qui tombèrent tous deux. Les matelots de la yole allèrent les chercher, tandis qu’après ce coup d’éclat, nous marchions triomphalement à bord. ; aussitôt que nous fûmes à bord, on commença d’appareiller. La prédiction de Vial à l’endroit du baromètre ne s’était point réalisée ; au lieu du beau fixe qui nous était promis, il tombait une pluie fine qui jetait un voile de brume sur cette ville d’azur, que l’on nomme Orléans. Mais Vial n’en maintenait pas moins son dire ; il ne s’agissait que de sortir du port pour que le baromètre remontât ; et le vent de la pleine Loire, chassant devant lui brouillard et nuages, devait, avant qu’il fût midi, nous rendre, en échange de ce soleil de novembre et de cette atmosphère d’occident, ce soleil toujours jeune et ce ciel toujours pur de Blois.
Merci à Alexandre Dumas