Sylvain Laroche - 1910
Orléans, 27 nuit, Sylvain Laroche, le satyre de Coullons, qui, assassina la fille de ses maîtres, a été exécuté ce matin à Orléans, à l'endroit précis où, le 27 juin 1905, fut guillotiné l'assassin Languille.
Pour éviter le renouvellement des pénibles incidents qui marquèrent cette dernière exécution, le préfet du Loiret et le procureur géneral avaient pris de sévères mesures. M. Jouffroy, commandant de gendarmerie, et M. Balthazar, commissaire central, avaient d'ailleurs à leur disposition 300 fantassins, 200 artilleurs à pied et à cheval, 50 gendarmes et de nombreux agents. En dehors des membres de la presse et de quelques rares privilégiés la foule fut reléguée très loin et ne put rien voir de l'exécution. A trois heures, la lugubre machine est montée. MM. Godefroy, préfet ; Pige, substitut du procureur général ; Colonieu, avocat général ; Beaudoin, président du tribunal ; Balthazard, commissaire central ; Guillaume, Jeangrau et Dejean, greffiers, pénètrent dans la prison, en compagnie de l'abbé Sevin et de l'avocat du condamné. Maître Séjourné. Dans sa cellule Laroche dort profondément. Réveillé par les gardiens, il parait ne pas comprendre ce qu'on lui veut. Le substitut Pige lui dit aussitôt : Votre grâce a été rejetée. La condamnation à mort qui a été prononcée contre vous va recevoir son exécution. Ayez du courage. On tâchera d en avoir murmure Laroche, qui se dresse sur son séant, se lève et s'habille en silence. Après s'être entretenu quelques instants avec son avocat et l'aumônier, le condamné assiste à la messe. Dans la chapelle, les yeux rivés au sol, le condamné garde une immobilité absolue. A trois heures et demie, Laroche réintègre sa cellule. Il boit un verre de rhum et un gardien l'aide à changer le costume de la prison contre les vêtements qu'il portait au moment de son arrestation. Puis le condamné est amené au greffe, où les aides en prennent livraison. Il boit un deuxième verre de rhum tandis qu'on lui ligote les mains et les jambes et que Deibler échancre le col de sa chemise. Le condamne est hissé dans le fourgon et les magistrats sortent, suivis par le funèbre véhicule. Le cortège parcourt lentement les cent mètres qui séparent la porte de la prison de la guillotine. Le fourgon s'arrête à un mètre du panier et, dans l'encadrement de la portière apparaissent successivement l'aumônier et Laroche, effroyablement pâle, mais qui descend avec assez de courage. |
On dirige le condamné vers la machine, mais ses jambes fléchissent. Tout à coup apercevant l'acier bleuâtre du couperet, il est pris d'un tremblement convulsif et se jette en arrière dans un violent mouvement de recul ; mais les trois aides le précipitent violemment sur la bascule, et l'on entend Laroche qui s'écrie dans un râle ; Au revoir pour toujours !
Le dernier mot est à peine prononcé, que le couperet tombe avec un bruit sourd ; l'œuvre de justice est consommée. Le panier renfermant les restes du supplicié est placé dans le fourgon qui, escorté de douze gendarmes à cheval, s éloigne rapidement vers le cimetière. Parmi les rares privilégiés qui se trouvaient auprès de la guillotine était le fermier Frédéric Gitton, père de la victime, arrivé de Coullons en automobile pour assister au châtiment de l'assassin de sa fille. L'exécution terminée, nous lui avons demandé de nous faire part de ses impressions. Le misérable, dit-il, n'a pas tant souffert qu'il a fait souffrir ma pauvre fille, ça ne m'a pas gêné de lui voir couper le cou. car il l'a mérité. Ma femme sera bien contente. Le Petit Parisien – 28 mai 1910 |